La question de la nouvelle Carte professionnelle -dite carte d’excellence- en Tunisie soulève plusieurs questions et provoque des réactions divergeantes.
Il est vrai que dans le domaine de la musique, la controverse tourbillonne régulièrement face aux formulations et méthodes d’attribution, et quant aux bénéficiaires de cette carte chaque année. Ainsi, je vais essayer à travers cet article d’en exposer brièvement les points faibles tout en proposant une solution radicale qui pourrait trouver satisfaction aussi bien auprès des amateurs et des professionnels, qu’ils soient nouveaux ou anciens dans le domaine artistique :
1 : les problématiques et les défauts :
- La carte professionnelle est attribuée après un examen en aptitude musicale. Toutefois, cette épreuve devrait être revue et modernisée, afin de répondre aux attentes et aux exigences du paysage artistique actuel. Il pourrait s’agir d’un moyen de découvrir de nouveaux talents et de juger leurs capacités de compréhension, surtout auprès de ceux qui s’apprêtent à rejoindre les instituts supérieurs de musique.
- La carte est attribuée par un jury désigné par la direction musicale du ministère des Affaires Culturelles, selon la spécialité. Or, ce système a deux défauts à souligner : Le premier serait que le choix des membres du jury, aussi équitable qu’il puisse être, laisse entrevoir un problème au niveau des quotas. Le second, lorsqu’on attribue la carte à telle ou telle personne, il peut s’agir de décision poussée par des motifs seconds, en l’absence d’un encadrement nécessaire et de surveillance de la part d’un second comité neutre qui surveillerait l’avancement des travaux de sélection.
- La carte professionnelle actuelle a deux types : 1) Une carte à durée déterminée valable pour une année sans possibilité de renouvellement : Le détenteur de cette carte doit impérativement passer à nouveau l’examen de qualification pour en obtenir une nouvelle. 2) Une carte longue durée (valable 5 ans) : elle est renouvelée automatiquement, sans nécessité de refaire le test, à vie. Ce type de distinction est non seulement obsolète mais infondé. L’artiste ayant cette carte bénéficie de ses avantages sans pour autant être un maillon actif de la chaîne créative et de l’économie artistique.
2: La solution : L’artiste est un être libre. Cette liberté est au coeur de la création, du choix du genre musical dans lequel il évolue, du type de collaboration qu’il entame…. Ainsi, en tenant compte de cette valeur essentielle, on doit étudier les points suivants :
- Si on présente l’artiste et le musicien comme un chef d’une entreprise individuelle, il faut créer une chambre de l’industrie au sein de l’organisation des usages. Les syndicats restent réservés aux travailleurs qui travaillent avec des artistes. (Ce qui se passe en Tunisie est exactement le contraire.)
- Si nous reconnaissons que l’œuvre d’art dans sa liberté peut être assimilée à celle d’un médecin, d’un ingénieur ou d’un avocat, cela nécessite la mise en place d’un décanat d’artistes basé sur des questions de réglementation pour le secteur, en coopération avec le ministère de la Surveillance. À cet égard, il existe une initiative sérieuse intitulée «Le décanat national des artistes et créateurs tunisiens», sous la direction de M. Anouar Keblawi, qui doit être sérieusement étudiée et prise en compte.
- Suivant le premier et deuxième points, il faut reconnaître que les domaines techniques sont suffisamment développés pour aller au-delà des essais et des comités. Aujourd’hui, l’art sous toutes ses formes, est enseigné dans les universités: musique, théâtre, cinéma, arts plastiques, expression physique, etc. Les certificats universitaires doivent être reconnus exclusivement lors de la pratique de l’acte artistique (par exemple, un médecin ne peut pas exercer la médecine sans certificat). En ce qui concerne la musique, il existe les diplômes des instituts supérieurs de musique et des instituts nationaux et régionaux.
- Si on revient sur les 3 points précédents, le changement de la carte professionnelle deviendrait ainsi obligatoire et serait remplacé par une carte d’accréditation technique, valable pour seulement une année, attribuée par le décanat des artistes, après avoir au préalable complété un dossier en la matière. Aussi, l’artiste devra justifier de son activité artistique et son évolution avant l’obtention de la carte d’accréditation technique. Il faut immédiatement supprimer la formulation de renouvellement automatique et de validité à vie.
Hamadi Makhlouf,
Musicien et auteur
Docteur en musique et musicologie
professeur à l’Institut Supérieur de Musique
Université de Tunis