En arrivant à l’amphithéâtre de Carthage vers 19H, je me rends compte qu’il s’agit d’une mauvaise idée : il y a déjà deux files d’attente impressionnantes. Pour passer le temps, j’échange quelques mots avec les autres spectateurs. Une phrase de répète « X voulait venir mais il n’y avait malheureusement plus de billets ». En observant les gens qui attendaient, je me rends compte qu’il y avait des personnes de plusieurs catégories d’âge. C’est sans doute là qu’apparait l’effet Saber Rebai dans toute sa splendeur. Quand un artiste continue d’offrir à ses fans des chansons de qualité et parvient à se renouveler constamment pour rester au sommet, il attirera aussi bien la génération des années 90’ que la Gen Z. Cet engouement, cette euphorie, cette excitation contagieuse; nul autre interprète tunisien ne peut prétendre créer le même effet.
19H30
Les échos des dernières répétitions me parviennent. Je devine l’anticipation qui précède un concert d’une telle ampleur. Veiller sur les détails techniques, vérifier les ajustements de son: tout devait être digne du public de Carthage.
22H
L’empereur inégalé fait son entrée sur scène. Sans grande surprise, il est accueilli par la foule tel un conquérant qui regagne sa terre victorieux. Cet amour sans faille, ce soutien du public qui s’est approfondi au fil des années, Saber Rebai en est pleinement conscient. Il n’aurait pas pu rêver d’un meilleur accompagnement. Hier soir, les milliers de fans qui avaient fait le déplacement formaient une chorale qui chantait des notes du coeur. Tout au long de la soirée, on pouvait entendre quelqu’un qui criait « Sidi Mansour » ou encore « At’hada El Alam », alors qu’un autre groupe réclamait « Tmani’et». L’artiste a honoré toutes les requêtes. Il a chanté pour tous les goûts. Son objectif était bien clair : rappeler sa place privilégiée parmi les monstres sacrés de la musique tunisienne.
Généreux, allègre, mais aussi subtile; Saber Rebai s’est adressé à la foule pour exprimer sa joie d’être présent à leur côté mais aussi pour saluer la programmation de cette 57ème édition. Il s’est montré particulièrement fier du sang neuf qui a eu l’opportunité de monter sur scène. « Sans mentionner de noms », il a remercié le public d’avoir soutenu ces nouvelles stars qui, selon lui, ont merveilleusement bien relevé le défi.
Sous la direction du Maestro Mais Melliti, il a chanté « Ya Dalloula », « Bi Basata », « Izz El Habayeb » ou encore « Ya Aasal ». Plaisantant qu’il n’était pas question de présenter uniquement ses classiques incontournables; Saber Rebai a partagé avec son public l’un de ses nouveaux titres « Ya Banat El Halal ». Cette chanson adressée à toutes les femmes porte un message puissant qui rappelle que la beauté et la grâce naturelle n’ont nullement besoin d’être altérées par la chirurgie plastique.
Parmi les nouveautés, il y a eu un nouveau single tunisien intitulé « Chabouba » et « Gowa 3neik » publié sur sa chaîne Youtube le 27 juillet dernier. Il est intéressant de noter que ce hit est une collaboration avec Mahmoud Khayami à qui l’on doit des succès comme l’indémodable « Elli Baana » de Ragheb Alama.
Parce qu’il sait s’entourer des meilleurs, la troupe de Saber Rebai compte quelques uns des meilleurs musiciens de la scène actuelle. Mention spéciale pour mon ami, l’excellent violoniste Hamza Obba qui a véritablement brillé. Il a joué plusieurs solos dont « Ya Lella » et « Sayd Errim ». J’évoquerai également le nay de Khaled Gaddah qui a simplement excellé. Ce solo a été suivi par une improvisation remarquable de Saber Rebai qui a transporté les légions d’admirateurs dans un état de pure extase.
La soirée a également été riche en nostalgie. En effet, Saber Rebai a rendu hommage à Kacem Kafi à travers un medley savamment arrangé par Sami Maatougui. Il a aussi exploré le répertoire de Ali Riahi et Hedi Jouini au plus grand plaisir d’un Carthage en pleine extase.
Enfin, il est presque élémentaire de souligner que cette soirée relevait de l’enchantement. Toutefois, j’aurais aimé que l’étoile montante de la famille Rebai, Ahmed, puisse partager un duo spontané avec son oncle. comme ce fut le cas lors de la recente soiree au mois de ramadan Ce jeune chanteur talentueux continue de se créer un chemin qui répond à ses influences artistiques et revendique un univers qui lui est propre. Personnellement, je suis son évolution et ses choix avec beaucoup d’intérêt.
